Association pour la Formation Chrétienne de la Personne
Association pour la Formation Chrétienne de la Personne

Fin de vie : le projet de loi est en route…

Le 11 mars dernier le président Macron a enfin présenté le projet de loi sur la fin de vie¹. Projet annoncé dès son élection de 2022, qui a finalement mis deux ans à émerger des différentes concertations et débats. Le temps pris montre l’importance pour le président de ce sujet, ce qui est tout à son honneur. Il a voulu également présenter un projet équilibré, consensuel. Qu’en est-il ?

Une culture de la souveraineté absolue de l’individu

Ce projet est directement lié à la culture dominante actuelle de la souveraineté absolue de l’individu tant éthique et morale que politique et juridique. De ce fait, il a subi les mêmes critiques que celui présenté par la presse en décembre, ou celles qui ont émergé de la Convention citoyenne qui a rendu ses conclusions en avril 2023. 

Il s’agit de développer les soins palliatifs et en même temps, d’autoriser une aide à mourir qui en fait, malgré les affirmations du président, est à la fois la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. L’expression « aide à mourir » a donc été mise en avant pour éviter d’utiliser ces deux termes, mais on joue ici sur les mots. La Société Française de Soins Palliatif ² ou la Conférence des évêques de France³ l’ont bien noté. Les mots ne changent pas la réalité du moyen utilisé : il s’agit de provoquer un acte qui met fin à la vie, soit par un tiers soit par le patient lui-même en recherchant son consentement. 

Six conditions restrictives ont été présentées. Elles permettent de réduire le périmètre légal de cette aide active à mourir. Celle-ci est réservée aux personnes majeures, avec discernement plein et entier, maladie incurable, pronostic vital engagé à court ou moyen terme, souffrances réfractaires et décision collégiale par une équipe médicale. Malgré cela, ces conditions sont nécessairement floues dans le concret des situations et il s’agit bien de poser un geste létal.

illustration fin de vie

Le risque : vider les soins palliatifs de leur intérêt

Cela étant posé, doit-on alors laisser la personne souffrir sans ne rien faire ? C’est là où les soins palliatifs permettent une solution dans l’immense majorité des cas⁴. Les développer tout en autorisant l’aide à mourir telle que définie par le projet est contradictoire, car d’une part un droit donné tend toujours à s’étendre dans la logique actuelle que nous avons soulignée (au nom de quoi l’interdire ou l’empêcher ?) et d’autre part la demande sera là pour éviter ces moments douloureux, voire insupportables, de la fin de vie. 

Le risque est donc bel et bien de vider les soins palliatifs de leur intérêt, et d’augmenter les demandes d’aide à mourir pour des demandes de plus en plus subjectives. Situation délicate, difficile, qui nécessite un véritable discernement prudentiel des équipes et des proches, jusqu’à des circonstances concrètes dans lesquelles la loi, quelle qu’elle soit, nécessairement universelle, ne peut entrer. 

La loi Claeys-Leonetti de 2016 devrait rester en l’état. Elle est loin d’être parfaite, sert souvent à des pratiques euthanasiques légales, mais au moins permet aussi selon la conscience et la formation des médecins, de ne pas ôter délibérément la vie et d’accompagner jusqu’aux limites possibles les personnes en fin de vie en respectant leur dignité, c’est-à-dire en elle leur humanité et en les protégeant, comme toute assistance de personne en danger. 

Développer une véritable culture vertueuse du discernement prudentiel

De ce fait, une telle loi ne devrait pas permettre des dérives par des exceptions qui conduiraient à une banalisation de l’euthanasie et du suicide. Le véritable enjeu relève de la formation approfondie⁵ des équipes médicales pour développer une véritable culture vertueuse du discernement prudentiel qui permette d’envisager les situations concrètes de dilemmes moraux, de cas de conscience à la lumière de la dignité des personnes, qui consiste, non en une pure liberté de décider souverainement de sa vie et de sa mort, mais en une capacité, toujours imparfaite mais réelle, de préserver la vie du corps et de l’esprit en apportant le meilleur de ce qui est possible.

Michel Boyancé

Michel BOYANCE

Doyen émérite de l’IPC – Facultés libres de philosophie et de psychologie

¹Projet présenté dans le journal La Croix le 11 mars dernier, en même temps qu’un interview dans le journal libération.
² https://sfap.org/actualite/communique-du-11-mars-2024
³ https://eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/cef/assemblees-plenieres/assemblee-pleniere-de-mars-2024/550565-ne-devoyons-pas-la-fraternite-declaration-des-eveques-de-france-sur-le-projet-de-loi-sur-la-fin-de-vie/ 
Nombreux sont les témoignages en ce sens. Voir notamment :  témoignage 1 ; témoignage 2 ; témoignage 3 
C’est possible, mais trop peu répandu.